Pas de virgule, pas même une conjonction, rien. Le titre du nouveau cru Woody Allen, Vicky Cristina Barcelona, n'est composé que de trois noms qui se succèdent dans un même élan, condensant les informations. Sans doute pour faire poétique. C'est vrai, « Vicky et Cristina à Barcelona », ça aurait un goût de déjà-vu, genre « Martine à la ferme » ou « Mr. Smith au sénat ». Laissons les explications aux autres : ce qui intéresse désormais le réalisateur New-Yorkais, c'est l'épure. Il faut dégraisser au maximum les circonvolutions auxquelles il nous avait habituées jusqu'à présent, aller vers l'essentiel (comprenez l'amour et le sexe). Ne pas s'embarrasser de dialogues métaphysiques sur les mystères de la vie, se concentrer sur l'action et l'évolution des personnages. Et il se passe quoi, donc, sous le soleil de Barcelona en compagnie des dites Vicky et Cristina ? Pas grand chose.
Vicky... relate les aventures de deux pintades américaines qui, comme le souligne subtilement la voix-off qui plombe chaque scène où elle intervient, ont deux conceptions antagonistes du rapport amoureux. La première, interprétée par Rebecca Hall (dont le jeu est le plus nuancé de tous), va bientôt se marier. Vicky aime la stabilité, la sécurité. Elle s'embourgeoise dans sa petite vie bien rangée de New-Yorkaise, contrairement à sa comparse Cristina qui, elle, ne sait pas ce qu'elle veut. C'est la troisième fois que Scarlett Johansson tourne pour Allen, et elle n'est rien d'autre qu'une paire de seins et lèvres sous une crinière d'un faux-blond criard, comme un appel au meurtre esthétique. Face aux deux pimbèches qui se posent moult questions (Qui suis-je ? Où vais-je ? Suis-je amoureuse ? Trouverai-je le bonheur ?), un Javier Bardem en rut dans le rôle de l'artiste espagnol hédoniste qui veut coucher avec tout ce qui bouge, si possible en même temps. Ajoutez à ce trio improbable une Penelope Cruz hystérique qui ne s'est pas remise de sa prestation dans Volver de Pedro Almodovar, et vous obtenez un marivaudage catalan dont les grosses ficelles sont tirées sans élégance aucune, et qui au mieux fait passer un moment agréable mais ennuyeux, au pire agace.
Outre la conviction des acteurs, qu'on cherche encore, la mise en scène partage. La succession de clichés et cartes postales d'Espagne laisse place, parfois, à un plan qui capte avec force le désarroi des personnages. Allen se rapproche des visages quand ceux-ci se détournent de la caméra, et leur profil en dit plus long, parfois, que toute la description psychologique servie par le narrateur ou les situations téléphonées qui se succèdent mollement. Jouer avec les clichés, l'idée est plaisante. Encore faut-il savoir prendre de la distance avec le matériau filmique, ce que le réalisateur de Annie Hall et Crimes et délits n'arrive pas à faire avec son nouveau long-métrage. Il fait plutôt penser à un petit vieux assis sur un banc qui regarde les jeunes filles passer en espérant que le vent soulèvera leur jupe.
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