Le Mk2 Quai de Seine est l’aîné de cette grande idée commerciale, médiatique et culturelle. Tout en verre, il s’inscrit avec un souci esthétique dans un bâtiment de Gustave Eiffel. Sur sa façade, des mots et répliques de films : résistance, vérité ; « you’re talking to me », « tu as de beaux yeux tu sais ». Ces phrases sont « comme un défi aux graffitis », explique Marin Karmitz, directeur de Mk2, sur le site internet du groupe. Il a crée en 1996 ce premier ensemble de six salles dans un « quartier peu investi par les activités culturelles ». Aujourd’hui, il s’y étend une file d’attente hétéroclite composée de familles, de couples, de groupes de jeunes ou de personnes âgées. Ils se retrouvent, s’appellent et s’attendent dans ce lieu de rencontre. « On se donne toujours rendez-vous ici », confirme Thomas, 23 ans, étudiant. Ici, c’est la promenade baptisée Signoret-Montand où, en ce soir de novembre, l’ambiance, comme le froid, est transie. Il est 18h et la nuit est déjà tombée. Les lampadaires du cinéma éclairent la foule et la surface du bassin. Les conversations se font à voix basse pour ne pas troubler la quiétude de l’eau. L’air est frais et le silence uniquement dérangé par les bruits de pas sur les pavés, des fontaines de la place Stalingrad ou du vent dans les derniers feuillages. Au loin, le son du métro aérien rappelle la mélodie du quartier. Il file au dessus du boulevard de la villette, vers Barbès ou Belleville.
Dans cette tranquillité, un petit bateau à moteur appelé « Zero de conduite » en hommage au film de Jean Vigo, fait le lien discret entre les deux Mk2. Blanc avec des bâches transparentes, une capacité de 25 passagers, il navigue de rive en rive toutes les dix minutes jusqu’à 22h30. Comme dans un parc d’attractions mais surtout comme pour les différentes séances des cinémas qui l’encerclent, il se fait attendre sagement derrière les rubans rouges. « Il est nouveau le bateau ? », demande une habituée lorsque ce dernier arrive enfin. « On a juste changé le sens », répond son conducteur. Xavier fait traverser le bassin de
De ce côté du bassin, une queue de déjà quarante mètres s’agrandit devant les caisses designées par Martin Szekely. Derrière deux gros hublots, dans une cabine jaune, les employés du Mk2 Quai de Loire s’affairent tandis que règne devant eux une calme agitation. Le cadet des deux cinémas a été créé en 2005. Il arbore le visage d’un jeune garçon en néons colorés et en deux exemplaires. Cette œuvre de Martial Raysse porte un mièvre sous-titre : « Sinéma, les anges sont avec toi ». Une citation kitschissime, propice au jeu de piste : les chérubins se cachent-ils dans les pupilles vertes de cet enfant ou dans ses cheveux roses ? Ont-ils eu l’idée saugrenue de se réfugier dans la librairie du multiplexe ou dans son café branché ? Ou peut-être se trouvent-ils un peu plus loin, en train de regarder les habitants du quartier jouer aux boules sur la promenade Jean Vigo ? Malgré son côté purement commercial, le tableau est idyllique mais « quand on rentre en métro, on est moins rassurée ». Fabiana, 32 ans, vendeuse, a beau trouver le lieu sympa, elle n’y reste jamais très tard. C’est qu’avant d’être un endroit charmant, les alentours de Stalingrad appartenaient aux dealers. Le site internet des deux Mk2 se targue de les avoir repoussés, mais les spectateurs ne sont pas toujours rassurés. Pourtant, ce soir, la place de la bataille est accueillante : bancs, fleurs et pistes cyclables.
Le charme continue donc d’agir sur le chemin du retour, à pied, en vélib ou par les lignes 2, 5, 7 ou 7bis du métro parisien. Un enchantement muet que vont peu à peu couvrir les sirènes de police ou des portes du train. C’est là que l’omniprésence du silence saute aux oreilles : le bassin de
Coralie Huché
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire