21.1.09

Pourquoi la France a-t-elle perdu son cinéma italien ?

Enquête réalisée par Magali de Barrin et Aurora Bergamini



« Miracle » à Paris pour le nouveau cinéma italien. Le festival
Cinema Miracolo qui s’est déroulé à l’espace Pierre Cardin, du 12 au 17 novembre 2008, a proposé au public français des œuvres de cinéastes de la nouvelle génération du cinéma italien. Celle-ci a des difficultés à sortir des frontières nationales, « un peu à cause de la concurrence américaine, un peu à cause du manque de distributeurs », expliquent les organisateurs, tels que les cinéastes Carlo Mazzacurati, Paolo Virzi, Claudio Cupellini, Francesco Munzi et Anna Negri pour ne citer qu’eux.

Inconnus en France ? Normal, le public français s’est arrêté aux années 60 en matière de 7e art transalpin. Aux Fellini, Pasolini, De Sica, Rossellini. Comme le démontrent d’ailleurs les programmations des cinémas d’art et d’essai à Paris, ou la classification des Cahiers du Cinéma qui vient de sortir « Les 100 plus beaux films du monde » où les neuf films italiens choisis sont de cette période. Le festival de cinéma italien de Paris, comme d’autres en France, dont ceux d’Annecy et de Grenoble sont l’occasion de relancer dans l’hexagone les oeuvres de ces nouveaux interprètes du panorama italien. « On veut faire connaître ce qu’il y a de nouveau en Italie mais surtout relancer le cinéma italien en France et mettre en valeur les talents d’une nouvelle génération de cinéastes. Le cinéma est jeune! » a déclaré le créateur de mode Pierre Cardin, qui a financé le festival de Paris. Il a ajouté « je suis fier d’être italien. C’est par passion que je fais les choses, pour le respect du cinéma, et pour mon plaisir. On est tous européens, il n’y a plus de frontières ». L’idée revient tout entière à Cardin, d’origine italienne, qui n’a pas lésiné sur les dépenses pour cet événement auquel il croit beaucoup.

Pour cette deuxième édition, les Français ont représenté une bonne moitié du public, l’autre partie étant italienne résidant à Paris. Mario Serenellini, délégué artisique du festival, affirme d’ailleurs, que « le festival a attiré un bon nombre de spectateurs français » [lire interview écrite]. Cependant, faute de promotion dans la presse spécialisée notamment, le public était parfois épars dans les salles, lors des projections. Pourtant, des cinéastes prestigieux, metteurs en scène et acteurs ont participé aux séances, comme Claudia Gerini, Luigi Lo Cascio, Pepe Servillo, Sandra Ceccarelli, Alba Rohrwacher et Valentina Lodovini. Le vainqueur de la compétition a été incontestablement Il Dolce e l’amaro, d’Andrea Porporati, puisqu’il a remporté le prix du meilleur film et celui du meilleur acteur.

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Le cinéma italien en nette reprise

« On est très content de recevoir cette reconnaissance, de notre film et aussi du cinéma italien » a déclaré Luigi Lo Cascio, prix du meilleur acteur pour Il Dolce e l’amaro, lors de la cérémonie de clôture, « ce festival si jeune a déjà une identité très précise. En particulier il est très élégant et informel en même temps ». Le metteur en scène de Il Dolce e l’Amaro a observé que « Le film a bien marché en Italie. En France il a été vu pour la première fois et ça a été un test important. » Pour lui, « la France est très importante, c’est la patrie du cinéma et peut-être le plus grand marché en Europe pour le cinéma. » Pour Porporati, le cinéma italien est en nette reprise, « depuis une dizaine d’années, différents films italiens ont gagné la palme d’or à Cannes » ( Nanni Moretti avec la Chambre du Fils, en 2001), a-t-il observé, « les films récents doivent s’étoffer, l’important c’est qu’il rencontre les goûts du public. Que commence une route et qu’elle ne soit pas limitée à notre potage.»
« Dommage que la France ait oublié un peu le cinéma italien d’aujourd’hui, estime un cinéphile interrogé [lien vers micro-trottoir], Je ne savais pas qu’il y avait ce festival. Il n’a pas eu tellement de publicité. J’aime les films de l’âge d’or du cinéma italien, mais j’ai moins l’occasion de voir ceux d’aujourd’hui ». Alors q’un autre explique : « le festival de Cannes de cette année m’a semblé assez emblématique d’un certain retour à l’âge d’or du cinéma italien, avec Il Divo. Je crois que le cinéma italien a toujours été plutôt apprécié en France, et j’espère qu’il retrouvera en France sa splendeur d’antan. »

Aujourd’hui, au-delà de Romanzo criminale qui avait eu un certain succès au box-office en 2006 avec plus de 300 000 entrées, ou Gomorra, présenté et salué au festival de Cannes 2008, en remportant le grand prix du jury, il y a peu de nouveaux films italiens en France. Faute peut être de la distribution et de l’intérêt restreint de ce type de cinéma par rapport aux grosses productions américaines. L’Hexagone connaît cependant une certaine réouverture aux films italiens d’aujourd’hui. Un nouvel âge d’or du cinéma se profile dans l’avenir du cinéma transalpin.





Ludovico Ortona, ambassadeur d'Italie.



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"Le cinéma italien est plus vivant que jamais !"

Journaliste italien, délégué artistique du festival Cinema Miracolo et responsable du choix des films en compétition, Mario Serenellini a accepté de répondre à nos questions.



En quoi est-ce un miracle de ramener le cinéma italien en France ?

Faire du cinéma en Italie, c’est un miracle. C’était le refrain de Marco Ferrelli dans les années 60. Et pourtant, c’était l’âge d’or du cinéma italien : Antionioni, De Sica, Pasolini, Visconti, Fellini, Rossellini, Lattuada, Germi, De Seta, Pietrangeli, Bertolluci, De Santis, Risi, Bellocchio, Monicelli, Scola, Lizzani, Pontercorbo, Gregoretti, Mommecini… Les auteurs étaient soumis à l’humeur des producteurs, aux contrôles de conformisme politique (la démocratie chrétienne, à l’époque), la censure, à la méfiance de la critique et du public qui venait de diriger le néoréalisme, et n’était pas encore capable d’accepter le miroir impitoyable de l’Italie contemporaine, qui était la comédie italienne douce-amère : boudée en Italie mais immédiatement réévaluée en France. Les propos de Ferrelli seront encore valables pour le cinéma italien d’aujourd’hui. Le miracle est double cette fois. Parce que la complicité avec le public ( italien et surtout français) s’est depuis longtemps interrompu et que plusieurs difficultés _ dans la production, dans la distribution, et l’inspiration _ on arrête le grand élan d’autrefois, et toutefois le cinéma italien est toujours là qui frappe à la porte : vif, inventif, surprenant. Ce festival, comme d’ailleurs de nombreux festivals en France (Annecy, Villeroupt, Grenoble) lui a redonné la visibilité et la possibilité d’être à nouveau familier au public français.

Quels sont les cinéastes d’aujourd’hui et les thèmes du cinéma italien ?

On assiste à un double essor : l’affrontement des thèmes sociétaux forts, urgents, comme la corruption politique, l’exploitation du travail légal, le chômage des jeunes _ qui ont fait parler après le succès à Cannes de Gomorra et Il Divo _ d’un néo-réalisme et la contamination éthique-esthétique dû au phénomène montant de l’immigration. Ces tensions ces préoccupations, ces alarmes sociales, le cinéma italien d’aujourd’hui a recommencé à les mettre en scène ( Lezione di cioccolato de Claudio Cupellini et Tutta La Vita Davanti de Paolo Virzi, grand succès de la saison 2008 en Italie, ou Mare Nero de Federico Bondi, Il Dolce e l’Amaro d’Andrea Porporatti, et Pa-ra-da de Marco Pontecorbo, qui étaient en compétition durant le festival. Travail précaire, travail clandestin, mafia, nouvelle pauvreté, immigration dans le faux Eldorado appelé Italie sont au cœur de ces films réalisés par de jeunes auteurs, entourés de la jeune génération d’interprètes. Mais surtout, ces films suscitent et développent de façon nouvelle le langage propre au cinéma italien qui lui a valu sa renommée dans le passé : la photographie de la réalité et la parabole sarcastique, paradoxale, parfois cynique de la comédie. C’est la confirmation ou la promesse que le cinéma italien est en train de réaffirmer son identité.

Quel bilan pouvez-vous tirer du festival ?

Je peux dire que le cinéma italien est plus vivant que jamais. Il a attiré un bon nombre de spectateurs français. On espère que ce sera l’occasion d’augmenter les échanges entre Italie et France dans le domaine du 7e art.

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Le Festival qui fait redécouvrir le cinéma italien à la France

Relancer le nouveau cinéma italien en France, surtout celui de la nouvelle génération de metteurs en scène. C’est le but de Cinema Miracolo, le Festival du film italien qui a été organisé à l’Espace Cardin. « C’est une façon de faire connaître la vie, la culture, l’esprit de l’Italie d’aujourd’hui », a commenté le créateur Pierre Cardin. D’origine italienne, puisqu’il est né près de Venise, c’est lui qui a lancé ce projet et qui l’a financé dans sa totalité, en l’accueillant dans son théâtre de l’avenue Gabriel.



Pour le public français, les acteurs italiens, ce sont Marcello Mastroianni, Sophia Loren, Claudia Cardinale, ou encore Vittorio Gassman. Depuis environ vingt ans, le cinéma de nos voisins transalpins fait figure de cinéma d’art et d’essai, de vieux films un peu « nouvelle vague » à la Dolce Vita. Ou bien de films loufoques mais dramatiques tels que La Vie est Belle (La Vità è bella) de Roberto Benigni. Et pourtant, au contraire, le 7e art en Italie n’a pas disparu, et vit encore plutôt bien. C’est donc un problème d’ignorance… Et c’est contre cette méconnaissance que Pierre Cardin a choisi de lutter en créant ce festival.

La marraine du festival était l’actrice italienne Laura Morante. Les films en compétition étaient au nombre de sept, avec, entre autres Riprendimi d’Anna Negri, Il Resto della Notte de Francesco Munzi, et Il Dolce e l’Amaro di Andrea Porporati, qui a gagné le prix du meilleur film et du meilleur acteur, pour Luigi Lo Cascio. Ont été projetés des succès « Made In Italy 2007 » comme La Giusta Distanza (la bonne distance) de Carlo Mazzacurati et Tutta La Vita Davanti (la vie devant nous) de Paolo Virzi, ou encore Giorni e Nuvole (jours et nuages) de Silvio Soldini. « Le cinéma italien est une des cinématographies les plus importantes d’hier comme d’aujourd’hui », a observé le metteur en scène argentin Santiago Amigorena, membre du jury, avec l’actrice Gabrielle Lazzure, l’actrice Nora Arnezeder, le journaliste Laurent Danielou, et François Guerrar, spécialiste du cinéma.

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Les hauts et les bas du festival Cinema Miracolo

Une sélection des deux films qui ont retenu notre attention, et de celui qui fait figure de vilain petit canard…

Après Gomorra, c’est au tour d’Andrea Porporati d’aborder le sujet dans Il dolce e l’amaro, pour le moins épineux de la mafia italienne. Début des années 80, Saro Scordia (Luigi Lo Cascio) a grandi à Catane, fasciné par la Cosa Nostra, il finit par y entrer. A-t-il pourtant les épaules pour une vie dans la criminalité ? Voici le sujet du film. Très réaliste. Il renvoie au néo-réalisme italien des années 60. Mais faut-il qu’un film renouvelle les techniques anciennes pour être reconnu ?







Luigi Lo Cascio avec le jury du festival


Un film d’amour aussi palpitant qu’un film d’horreur. Voici comment on pourrait définir le grand succès 2008 en Italie, La Giusta Distanza ("la bonne distance", en français dans le texte) de Carlo Mazzacurati. Magnifique l’interprétation de la nouvelle étoile montante du cinéma italien, Valentina Lodovini. Le décor : une campagne oubliée, à l’embouchure du Pô. L’histoire : Mara, enseignante qui doit partir au Brésil, tombe amoureuse du mécanicien tunisien du village, Hassan. Autour de cette romance, les événements prennent une tournure inattendue et tragique. La force du film tient au paradoxe entre une quotidienneté apparente et une histoire qui sort de l’ordinaire. Malheureusement, ce film, sorti sur les écrans italiens au printemps 2008, est prévu à une date encore incertaine de ce côté-ci des Alpes.


Carlo Mazzacurati, réalisateur italien du film La Giusta distanza


Un homme seul au XXIe siècle est-il encore incapable de se débrouiller à la maison ? Michèle a perdu son travail, il risque de perdre aussi sa femme. Sa femme, qui est la travailleuse du foyer. Et lui ne s’en sort pas… Un peu cliché, le film de Silvio Soldini, et surtout machiste, il donne à l’Italien l’image archaïque de l’homme qui doit travailler. Giorni e Nuvole est la déception du festival Cinema Miracolo.

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Les lauréats du festival Cinema Miracolo

Prix distribués aux films lauréats du festival Cinema Miracolo

Prix du Meilleur Film : Il dolce e l'amaro d'Andrea Porporati

Prix du Jury : Il resto della notte de Francesco Munzi

Prix d'Interprétation Masculine : Luigi Lo Cascio dans Il dolce e l'amaro

Prix d'Interprétation Féminine : ex-æquo Valentina Lodovini et Alba Rochwacher dans Riprendimi d'Anna Negri.

Prix du Public : Pa-ra-da de Marco Pontecorvo


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L'avis de quelques cinéphiles...

7.1.09

Marché de la photo : la fin de l’eldorado ?

Enquête réalisée par Laura Roland

Salon de la photo, Paris Photo, grandes expositions (rétrospectives Henri Cartier Bresson et Walker Evans, Lee Miller) la photo était à l’honneur à Paris en novembre. L’occasion de faire le point sur ce marché en ces temps de crise financière et après une envolée des prix au début des années 2000.

Le petit monde des galeristes et des collectionneurs s’était donné rendez vous à Paris Photo au Carrousel du Louvre mi-novembre. Trois jours pour voir et acheter ce qui se fait de plus coté en matière de photo aujourd’hui.

Du beau monde pour un résultat en demie teinte. Si les ventes ont été plutôt à la hauteur des espérances, une certaine frilosité semble gagner les acheteurs. Les transactions ont tout de même atteint la somme de deux millions d’euros.

Pour Guillaume Piens, le directeur de la manifestation, les « ventes sont plus lentes, il y a beaucoup de réservations, la valeur sûre guide beaucoup les achats ».

Un constat partagé par les galeristes dont Christine Ollier qui dirige la galerie parisienne Les filles du Calvaire : "On a moins vendu mais on survit très bien. C'est un choix plus rationnel, plus pensé ", 50 œuvres au total vendues entre neuf cent euros pour les Polaroids de Corinne Mercadier à 15 000 euros.

Voir la réaction des galeristes.

Selon l'experte Simone Klein, "la vente a bien marché mais on a bien senti qu'il y avait une crise. Les acheteurs étaient sélectifs mais il y a eu quelques folies". Hans P. Kraus, spécialiste de photographie ancienne, a réalisé des ventes "en hausse par rapport à 2007" et a cédé une œuvre de Frederick H. Evans à 125 000 dollars (99 500 euros).

Moins de succès du côté de Sotheby's dont la vente de l’ensemble de 192 images appartenant au libraire André Jammes et à son épouse Marie-Thérèse n’a pas battu de record.

La participation internationale n’a pas faibli malgré la crise, comme en atteste la venue de nombreux groupes étrangers. Robert Mann, célèbre galeriste new-yorkais, qui participait à Paris Photo pour la première fois, s’étonne : « Je n’ai jamais vu autant de grands conservateurs de musées américains en une semaine : Peter Galassi, directeur du département pour la photographie du Moma, Sandra Philips, conservatrice en chef au SFMoMA San Francisco, Paul Roth, conservateur en chef de la Corcoran Gallery à Washington, Kaywin Feldman, directeur du Minneapolis Institute of Arts… »

Malgré des ventes correctes et un joli succès d’estime et de fréquentation (37 760 visites contre 32 100 en 2007) le marché de la photographie en France se situe très loin derrière le marché américain. A New York, entre le 6 au 12 octobre, Sotheby’s, Christie’s et Phillips ont réalisé un produit de ventes de 22,9 millions de $.

Résultats des courses : pas de triomphalisme mais un soulagement du côté des acheteurs et des organisateurs. Cependant si le marché de la photo a plutôt bien résisté à un contexte économique peu porteur, les ventes de Paris Photo ne doivent pas cacher la réalité d’un secteur de plus en plus concurrentiel.


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Cannes, Avignon, Paris même combat ?

Et si on mesurait le succès d’un festival à sa version « off » ? Comme à Cannes pour le cinéma et Avignon en théâtre le ‘Off’ du Mois de la photo est tenu en parallèle, « avec pour but d’offrir une sélection alternative, plus jeune, dynamique, accessible et moins conventionnelle. » Après dix ans d'absence, ce festival a de nouveau été organisé, en 2006, à l'initiative de Paris Photographique. Créée dans l'intérêt des photographes, par des photographes, elle se donne pour but d'encourager les artistes émergeants ou établis, à exposer et vendre leur travail. L'idée est également de créer un réseau de connaissances entre galeries, acheteurs, agents de photos et artistes.

Evénements à ne pas rater :

- Le vernissage pour le lancement du festival le 5 novembre à la cartonnerie
- Enfants et bidonvilles de Juan Pablo GUTIERREZ à la galerie La vache bleue
- Rendez-vous ouverts aux photographes professionnels à la Cartonnerie

Toutes les infos sur le festival ici.


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Zoom sur les photographes professionnels

Si Paris Photo constitue le premier salon mondial de la photographie, il ne rend pas compte à lui tout seul du marché de la photographie en France. A côté des stars, d’autres tentent difficilement de vivre de leur art. Dans le cadre du Salon de la Photo certains professionnels ont exprimé certaines revendications. Pour Pierre Ciot, président de l’Union des Photographes Créateurs « la réalité n’est pas la même pour tout le monde. Les galeries sont très contentes de leurs ventes mais les plasticiens sont obligés d’avoir d’autres activités pour s’en sortir». Il dénonce les difficultés pratiques que rencontrent les photographes à vendre leur tirage à des prix décents notamment par la question des « Droits réservés ». Pour l’association il s’agit ni plus ni moins que d’un vol. A cela s’ajoute le développement de stocks d’image sur Internet qui permet à des sociétés commerciales de brader des stocks de photo à un euro et de réaliser une forme de dumping photo et d’une concurrence déloyale. Pierre Ciot conclut, lapidaire, « Il y a une vraie crise de la photographie. Il y a des groupes de magazines très spécialisés où il n’y a plus de budget photo : on a des iconographes en charge de trouver des documents photographiques auprès d’offices de tourisme, de services de presse des grandes entreprises….pour illustrer leurs revues, et ça ne coûte rien ».

Voir la vidéo de la conférence de Pierre Ciot ici.


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Trois questions à Fabien Breuvart, photographe multiple

A la fois galeriste et photographe. Comptant parmi les précurseurs de la « photo trouvée » il a ouvert sa galerie dans le Marais il y a quatre ans et enchainé les projets. Un des derniers « Vas y montre ta carte » en réaction à la mobilisation des Sans Papiers à la Bourse du travail lui a valu une certaine notoriété. Dans le cadre du Mois de la photo, il pose un regard lucide sur son travail et sur le marché de l’art (voir le portrait de Fabien Breuvart).

Vous présentez « Identités, dans le cadre de la photo, de quoi s’agit-il ?

Le projet s’appelle Identités. L’idée s’est de faire se rencontrer deux personnes qui ne se connaissent pas et de les photographier ensemble. C’est un projet que j’ai rédigé en seulement deux jours après avoir été contacté par le service culturel de la mairie. Pour l’instant ça ne prend pas trop. Je n’ai eu que deux coups de téléphone de personnes intéressées. Il n’y a eu quasiment aucun papier à part sur France Culture. J’ai juste mis la description de mon projet avec l’en tête du Mois de la photo sur ma vitrine comme ça au moins les gens savent que j’y participe et cela me donne une certaine légitimité.

Aviez vous déjà travaillé pour le Mois de la photo ?

Il y a dix ans j’avais filmé des gens à la MEP. Le projet s’appelait A chacun son image. La vidéo était diffusée sur le chemin menant à la cafeteria. Le thème c’était : « Qu’est ce que la photo représente pour les gens ?» Le but ? Amener les gens à dire pourquoi ils aiment une image et la difficulté à le faire. C’était un de mes meilleurs projets. J’étais rémunéré. L’enregistrement aduré dix jours. Il y avait plein de journalistes grâce à un gros plan de communication. On pensait que les gens viendraient avec une photo d’un photographe connu et pas avec une photo personnelle. Je ne pensais pas avoir autant de réactions.

Que pensez-vous du marché de la photo à l’heure actuelle ?

Ca devient délirant. On rentre dans du spéculatif. Certaines photos atteignent des sommes folles comme celle de Gustave Le Gray vendue à 700 000 euros. D’ailleurs c’est des prix qu’on voit à Paris Photo. Mais je pense que c’est bientôt la fin de l’eldorado. Ne vont s’en sortir que ceux qui proposent des prix abordables.

Pour moi la photo ne concerne pas que l’élite. C’est ce que je fais en proposant des photos à un prix abordable à partir de sept euros. Mais pour travailler j’ai très peu de moyen. C’est très difficile de construire quelque chose.

Les derniers projets de Fabien Breuvard:

La Charlot Academy
Identités
Vas y montre ta carte


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Le livre photo se fait un sang d’encre


Surproduction, réseaux de diffusion limités, coût de fabrication de plus en plus élevés comment le livre de photo tire son épingle du jeu ?


Samedi 15 novembre, Paris Photo au Carrousel du Louvre. Discussion entre spécialistes pour un constat mi-figue mi raisin.

Les débuts du marché du livre photo

Selon Irene Attinger, responsable de la bibliothèque à la Maison Européenne de la photo, l’explosion du livre photographique date des années 90, époque où la photo est reconnue comme institution avec des départements spécialisés dans les universités, dans les musées d’art moderne, le développement de galeries.

La question de la production et de la diffusion du livre

Pour J-C Bechet, responsable Hors Serie du magazine Réponses Photo « tout le monde veut faire des livres mais cela nécessite une vraie connaissance. Et c’est un secteur où il y a plus de gens qui produisent que de gens qui achètent. » Ajouté à cela le problème de la rentabilité du livre. Patrick Remy, responsable Steidl France : « Sur un livre à 50 euros, 25 sont déjà consacrés à la diffusion et la distribution. » Le second problème pour les éditeurs est de diffuser et vendre un livre.D’un point de vue strictement commercial il y a les recettes qui marchent : une photo sur la couverture et la préface d’un auteur connu, « l’effet pile » (empiler les livres pour attirer le client), la multiplication de livres grand format, mais qui laissent de côté toute une partie de la production.

Quelle possibilité de financement

Les éditions Steidl comptent entre autres sur les projets avec certaines griffes de luxe, Chanel, Vuitton, Dior,… Les partenariats sont également une source de revenus stable : la MEP, le Jeu de Paume ou encore la fondation Cartier Bresson assurent une partie des ventes. Dominique Gaessler, créateur des éditions Transphotographic Press évoque l’effet tremplin d’une exposition pour soutenir la vente d’un livre.

Y a t'il trop de livres photos ?

La question de la surproduction se pose donc pour Sylvie Hugues, rédactrice en chef de Réponses photo, à laquelle les intervenants répondent plaisir de découvrir, investissement sur certains projets, intimité avec l’artiste, laissant le mot de la fin à JC Bechet : « L’éditeur n’est pas seulement utile pour un financement, il permet aussi un regard extérieur ».

Voir l’interview d’éditeurs


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Lee Miller , Un portrait en kaléidoscope


Multiple. Si il y a une seule chose à retenir de la carrière et de la personnalité de l’américaine Lee Miller (1907/1977) c’est bien celle là. Accepter de se laisser surprendre. On rencontre d’abord l’actrice avant l’égérie mode, la photographe, la correspondante de guerre. Un film de Jean Cocteau, Le sang d’un poète, où elle incarne plusieurs personnages. La fiction rejoint la réalité. Compagne et muse de Man Ray, elle se fait avant tout connaître comme mannequin, pour Vogue à la fin des années 20. Une beauté sculpturale photographiée entre autre par Edward Steichen baptisée « Lee Miller en chapeau de soleil ». De modèle à photographe, il n’y a qu’un pas qu’elle franchit au début des années 30 en créant son propre studio. Suite à sa rupture avec Man Ray elle épouse l’Egyptien Eloui Bey, et le suit au Caire. A l’aube de la Deuxième guerre mondiale, elle devient reporter de guerre pour Brogue, l’édition britannique de Vogue. Présente en Normandie lors du débarquement elle participe à l’évacuation de blessés par avion ou d’opérations de chirurgie.

Femme aux nombreux amants, photographe de mode, de publicité, de paysage, grande voyageuse, photoreporter, journaliste, ayant fréquenté les plus grands (Man Ray, Edward Steichen, Pablo Picasso, Max Ernst) proche des surréalistes, Lee Miller a été une grande figure de la photographie injustement méconnue dans cet univers masculin. Cette rétrospective offre un regard pluridimensionnel et représentatif de cette artiste touche à tout.

Exposition au Jeu de Paume jusqu’au 4 janvier.


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Guide pratique des expositions

Sabine Weiss, « Un demi siècle de photographies »
Maison Européenne de la Photo

Henri Cartier-Bresson et Walker Evans, Photographier l'Amérique, 1929-1947
Fondation Henri Cartier Bresson

L'art de Lee Miller,
Jeu de Paume Au site concorde

Erich Salomon, Le roi des indiscrets, 1928-1938
Jeu de Paume, Hotel Sully

Objectivités. La photographie à Düsseldorf
Musée d’art moderne


17.12.08

Les papys dans la sono

Enquête réalisée par Sarah Ponchin et Christiane Monsanto




La rentrée musicale 2008 est marquée par un revival des groupes de hard-rock incontournables dans les années 80: Metallica, Guns'n'Roses et AC/DC. Ces trois formations cultes cherchent-elles a démontrer la jeunesse éternelle de leur rock, ou doit-on y voir des opérations marketing menées par des maisons de disques, attirées par une perspective de profits assurés ? Enquête ouverte sur la stratégie marketing de ce papy-boom du rock.

Le 12 septembre Metallica sortait son nouvel album Death Magnetic après 5 années d’absence sur la scène musicale. Le 20 octobre c’était au tour d’AC/DC de sortir Black Ice, nouvel opus 8 ans après le précédent. Quant aux Guns’n’Roses, absents depuis 15 longues années, ils sont revenus avec Chinese Democracy, sorti le 24 novembre.

Death Magnetic est le neuvième album de Metallica, produit par Mercury Universal. Le disque est un hommage aux rockeurs décédés. James Hetfield, chanteur du groupe, explique: « Ça a débuté comme une sorte d’hommage aux personnes qui ont chuté au sein de notre métier, tel le leader d’Alice In Chains, Layne Staley, et comme la plupart des gens qui en sont morts, fondamentalement des martyrs du rock’n’roll ». Après un Saint Anger expérimental, dénué de basses, solos et mélodies, Death Magnetic marque le retour des valeurs musicales du groupe comme dans And Justice For All ou le Black Album avec des morceaux qui dépassent les 7 minutes. Force brute, style primal, violence et esprit sombre qualifient l’album. The Day that Never Comes est le premier single, une chanson lente, pas la plus innovante de l’album, qui n'est pas sans rappeler les singles One et Fade to Black.

Black Ice est le quinzième album d’AC/DC, produit par Columbia/Sony. A la première écoute du single Rock’n’roll Train, on reconnaît la patte du groupe de hard-rock : les riffs tranchants de l’éternel écolier en culotte courte Angus Young, la voix suraiguë de la « casquette hurlante » Brian Johnson et la rythmique lourde et carrée des basses / batteries. Et ça continue avec les futurs classiques que sont Skies on Fire ou War Machine.

Chinese Democracy est le sixième album des Guns’N’Roses, produit par Polydor/Geffen Records. Un site internet officiel lui est dédié. Riffs saturés, voix criarde, distorsion : à en juger le single Chinese Democracy, on est bien dans le traditionnel Guns ravageur. Mais en plus sage : fini le grain de folie de la guitare de Slash propre aux Guns de l’époque, c’est à Robin Finck, ex-guitariste de Nine Inch Nails de prendre la relève, laissant la place à des soli plus carrés et plus longs. Axl Rose semble avoir conçu l’album dans la veine de November Rain, mais en y apportant un véritable travail de mixage : quelques influences plus "mainstream" à en croire le titre Better. Dans If the world, on a même droit à une pointe de world music et dans Schalker Revenge une touche d’électro. Axl Rose aborde dans l’album ses désarrois sentimentaux, ses phobies et sa paranoïa. Rien que ça.

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Trois campagnes de promotions démesurées

Les papys du rock ont bien saisi les enjeux du marketing pour faire parler d’eux.

Des vidéos de promotion qui font croire au retour du Messie ont été diffusés sur la Toile : un trailer pour Metallica, un teaser international et 3 teasers français pour les Guns’n’Roses, produits par GNR France, le site français du groupe. Quant à AC/DC, le buzz prend la forme d’un vidéo-clip intitulé Rocks the Office issu de leur single Rock’n’roll Train, conçu en version Excel et circulant librement sur Internet.

Des trois groupes, AC/DC est celui qui utilise le plus de moyens promotionnels réussis, mais aussi des plus spectaculaires : une chasse aux trésors a été organisée dans Paris pour retrouver des blocs de glace à indices afin d’accéder à l’édition collector de l’album et à un « Black Ice Ticket » (voyage pour 2 personnes à l’un de leur concert). Le groupe s’est également offert l’habillage du colisée de Rome de son logo lumineux durant toute une nuit ! Côté illustration de l’album, il y a le choix : quatre pochettes ont été déclinées en noire, rouge, jaune ou bleu, dont l’une est une édition deluxe. Plus classique : AC/DC s’immisce également dans l’univers des jeux vidéos. Let There Be Rock, l’un de leurs titres, figure dans le jeu vidéo Rock Band 2 édité par Electronic Arts.

Pour Metallica, réaffirmer l’attractivité et la vente du médium CD constitue une priorité. Ils font appel à une agence de branding et packaging Turner Duckworth pour concevoir la pochette de Death Magnetic. Cette pochette de disque minimaliste a fait office d’icône sur toutes les interfaces, y compris sur les plus petits baladeurs MP3 et téléphones portables. Metallica a par ailleurs orchestré une vaste campagne de marketing en ligne. Un site dédié, Mission Metallica a permis aux fans du groupe de suivre la réalisation de l’album et d’accéder à des vidéos et quelques riffs de l’album exclusifs. Une version collector du coffret était également disponible depuis le 15 juillet, afin d’obtenir l’album dans un package en forme de cercueil le jour de sa sortie. Death Magnetic sera par ailleurs le premier album à sortir simultanément dans les bacs avec sa version adaptée en jeu vidéo sur Guitar Hero III.

Chinese Democracy a bénéficié d’une fête de lancement, avec une compétition d’Air Guitar instaurée sur le YouTube des Guns, ouverte aux plus improbables prestations de fans. Après Metallica et AC/DC, les Guns’n’roses aussi mélangent musique et jeux-vidéo : le premier single de Chinese Democracy, Shackler's Revenge, est sorti exclusivement via le jeu vidéo Rock Band 2 en septembre 2008. Ils sont même allés jusqu’à établir un partenariat avec la marque de sodas Dr Pepper qui s’est engagée à offrir une canette à tous les Américains qui se prévaudraient de l’offre à condition que l’album sorte fin 2008.


Leur nouvel album en avant-première sur le site communautaire Myspace, ils ont spécialement préparé pour les Français une tournée d’écoute publique de l’album dans les bars de grandes villes le 21 novembre, la veille de sa sortie.

Photos credits: Turner Duckworth / Jeff Kravitz / Film Magic

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Des papys blindés niveau marketing ?

Retour aux chiffres générés par les dinosaures et leurs classements dans les charts

Black Ice d’AC/DC a bénéficié d’une vente exceptionnelle de cinq millions d’exemplaires dans le monde. Classé numéro 1 dans 29 pays, on compte 370 000 exemplaires vendus en France, affichant la plus grosse vente avec 93 000 albums vendus dès la première semaine. A ce jour, Stiff Upper Lip, leur précédent album, s’était vendu à 131 000 exemplaires la première semaine. Le succès énorme de Black Ice a eu un effet de contagion sur le catalogue d’AC/DC. 92 000 exemplaires du « black catalogue » du groupe ont été vendus de par le monde en cette rentrée 2008, ce qui a pour effet l’apparition des opus Back In Black et High Voltage dans les charts US. Sony a d’ailleurs remercié le groupe d’une récompense pour les ventes mondiales phénoménales de ses productions vidéos. Plug Me In, pour la 5ème fois platine, caracole en tête des ventes des vidéos musicales dans pas moins de 11 pays, dont la France. Néanmoins, AC/DC affiche sa détermination à ne pas devenir un produit de consommation courante. Le groupe a boycotté la plateforme d’Itunes Store d’Apple, privilégiant l’achat à l’album et non au titre. « Nous ne faisons pas de singles mais des albums » a affirmé Angus Young.

Pour Death Magnetic, près de 3 millions d’albums ont été vendus dans le monde (1 demi million d’albums vendus 3 jours après son lancement). 25 000 exemplaires ont été écoulés en France en seulement deux jours. Death Magnetic est l’album le mieux vendu en Angleterre et aux Etats-Unis. Il s’agit déjà de la plus grande précommande d’albums et du plus important contenu online qu’un groupe n’ait jamais proposé au monde. Le disque a été classé numéro 1 dans le monde entier.

Quant à Chinese Democracy, l’album n’était pas encore sorti qu’il était déjà classé 3ème des préventes à la Fnac et dans le TOP 5 sur la plate-forme ITunes de plus d’une vingtaine de pays. Un engouement qui n’est pas certain d’avoir perduré par la suite. Il a été « classé à la 26ème place des meilleures ventes d’albums en France » a annoncé Polydor. A ce jour, le succès ne semble pas à la hauteur de son précédent opus : on estime les ventes à près de 3 millions d’exemplaires (75 000 exemplaires vendus en France) alors que leurs précédents Use Your Illusion I et II avaient dépassé les 500 000 exemplaires et en seulement deux heures ils atteignaient le demi-million d’exemplaires vendus, en calculant les 2 sorties… D’après le New York Times, 13 millions de dollars de budget auraient été investis dans la production de l’album des Guns’n’Roses (dont 7 millions financés par Axl Rose), ce qui fait de Chinese Democracy le CD le plus cher de l’histoire du rock : « le retour sur investissement est peu probable, peu importe l’accueil du public » a rapporté le Journal de Québec. L’album serait passé entre les mains de 6 producteurs différents avant de voir le jour, 60 titres auraient été enregistrés, dont seulement 14 retenus !

> Interview d'un disquaire à la Fnac Montparnasse :


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Le phénomène vu par les fans et les médias

L’effet rareté joue un rôle important dans l’engouement suscité chez les fans et les médias à la sortie de ces 3 albums.

Retour aux sources avec Death Magnetic

Pour la plupart des fans de la première heure, la carrière musicale de Metallica s'était arrêtée il y a 17 ans, après la sortie du Black Album. Même si celui-ci marquait déjà une rupture forte avec les préceptes du groupe (jamais de cheveux courts, pas de clips, pas de vidéos officielles, pas de morceau de moins de 7 minutes radio), sa grande qualité musicale faisait qu'on ne pouvait que leur pardonner ces travers. Ensuite s’en sont suivis des albums sans caractère : Load, Reload, Garage Inc.et St. Anger globalement mal accueillis par les fidèles. Aujourd’hui Death Magnetic est joyeusement salué par un nombre incontesté de fans. Les premières critiques de presse musicales, quant à elles, ont été extrêmement positives : pour Kerrang ! « Les arrangements labyrinthiques et la puissance qu’on prend en pleine poire sont de retour en force ».

Black Ice, plus vivant que jamais

A l’écoute du Black Ice, il n’y a aucun doute sur la marchandise : AC/DC nous joue du AC/DC, ni plus ni moins, et pour les fans de la première génération on assiste à un véritable flashback 30 ans en arrière. AC/DC n’innove pas et le vaut bien : le groupe de quinquagénaires à la pêche phénoménale parvient même à drainer des spectateurs de tout âge dont les adolescents, signe que leur musique a traversé les générations… Pour le critique rock Francis Zegut de RTL2, qui les a programmés au tout début des années 80, c’est plus qu’une bonne nouvelle : « Le plus grand groupe de rock du monde est de retour aux affaires ! »

Chinese Democracy, un album capricieux


Annoncé pour la première fois en 1994, la sortie maintes fois repoussée de Chinese Democracy a failli ne jamais voir le jour. A force de studios d’enregistrements, d’impresarios, d’ingénieurs sons et de promesses, Axl Rose, resté seul membre originel du groupe dans cette aventure dictatoriale, finit par boucler Chinese Democracy. Les fidèles étaient à la limite de l’abandon, rongeant leur frein depuis les années 1990. Cette parution maintes fois repoussée est vue comme une libération, mais aussi comme une grosse déception. En effet, « les boîtes à rythmes ringardes » sur lesquelles s’essaye Axl Rose dans quelques-uns de ses titres ont mécontenté nombre de puristes des Guns. A en croire certains fidèles, cet album de mauvais goût arriverait à drainer les fans de Kylie Minogue ou Shakira. L’accueil critique de la presse est mitigé : un véritable « Titanic » pour le New York Times , pendant que M6 parle d’ « une épave coulée par sa prétention ».


> Interview sur le phénomène avec Francis Zégut, animateur de radio sur RTL 2.


Retour sur ces grosses opérations de communication à court-terme auxquelles ne devraient pas céder des groupes dignes de ce nom : « Beaucoup d’effets d’annonces formidables dignes des grandes écoles de commerce ont été employées, mais après c’est le vide… »



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A vous de donner votre avis !

Quelle est la pochette d’album la plus réussie ?



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Pour en savoir plus :
La tournée française des papys

AC/DC
25 et 27 février 2009 à Bercy
12 et 14 juin 2009 au Stade de France

METALLICA
1er et 2 avril à Bercy
7 juillet aux Arènes de Nîmes

GUNS’N’ROSES
En prévision…

La taule prend le pli de la culture

Enquête réalisée par Pierre Outin et Jonathan Halimi









D
es détenus dans une grande pièce… ça change. Des prisonniers menés à la baguette… c’est rare. Depuis le début des années 1990, des actions culturelles comme le théâtre ou des ateliers de musique contemporaine sont expérimentés en milieu carcéral. Vingt ans après, où en est-on ? 64 250 détenus au 1er juillet 2008 pour 51 000 places seulement. La place dans les ateliers dits culturels ? C’est comme la superficie des cellules, tout petit… alors la culture en prison, pourquoi, pour qui et comment ?

On ne sait que très rarement ce qui se passe derrière les murs des pénitenciers. Afin d’en savoir plus, nous avons mené notre enquête auprès d’artistes qui connaissent le terrain, qui sont intervenus en prison et qui, pour certains d’entre eux, y travaillent encore.

Initier des détenus à des formes de culture classique est devenu un défi pour Nicolas Frize (compositeur de musique contemporaine) et Judith Depaule (metteur en scène). Ces projets ne peuvent se réaliser sans une coopération avec les DRAC, Directions Régionales des Affaires Culturelles, ainsi que les SPIP, Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation. Ces services régionaux dépendent eux-mêmes du Ministère de la justice. Il s’agit là d’un long processus bien verrouillé, qu’il est impossible de pouvoir contourner. La culture en prison ne peut se faire sans des financements assez conséquents. Selon, Françoise du Chaxel, auteur de pièces théâtrales et ancienne collaboratrice de Judith Depaule, un atelier théâtre sur un an coûte près de 40 000 euros.

Par ailleurs, le système carcéral français est complexe et diversifié. Au 1er janvier 2007, on compte 116 maisons d’arrêt en France, 4 maisons centrales et 13 centres de semi-liberté (voir le site: prisons.free.fr) . « Un travail d’initiation culturel en prison diffère que l’on soit dans une maison d’arrêt ou une maison centrale » déclare Judith Depaule. « Le changement, c’est inhérent à la maison d’arrêt. La composition de l’atelier évolue tout le temps. Quelqu’un peut se faire transférer ou libérer du jour au lendemain » ajoute-t-elle. La durée moyenne de détention en métropole est de 7,5 mois selon l’administration pénitentiaire. Les maisons d’arrêt comme Saint-Maur, Fresnes ou la Santé accueillent souvent des détenus en attente de jugement. Dans ces conditions, il n’est pas toujours possible d’établir des projets culturels sur le long terme. Judith Depaule rappelle que « pour monter Hamlet de Shakespeare à la Santé, il a fallu plusieurs mois de travail, ne serait-ce pour des individus qui ne sont pas habitués à apprendre des textes par cœur ». Pour les maisons centrales, il s’agit essentiellement de détenus purgeant de longues peines. Nicolas Frize a pour sa part pu mener un travail en profondeur dans la maison centrale de Poissy, où il mène des actions culturelles depuis 1991. Pour ce dernier, l’ambition de fournir de la culture « non commerciale », de la « culture rare » en prison, doit passer par un travail de fond, échelonné sur plusieurs années. Judith Depaule conteste cette vision. Pour elle, la prison engendre « une façon de travailler très particulière. Je ne voulais pas poursuivre trop longtemps. Deux ans c’était suffisant pour moi. Pour rester neuf et innovant, c’est bien de laisser sa place et de passer à autre chose ». Tous les intervenants rencontrés, sont unanimes : les actions culturelles sont nécessaires pour la santé mentale des détenus, et leur retrouver une humanité. Par le théâtre ou la musique contemporaine, l’imaginaire des prisonniers est sollicité, et, l’espace d’un atelier, ils peuvent s’évader (écouter l'interview de Judith Depaule ci-dessous).



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Un théâtre qui libère des détenus


Pendant deux ans, Julie Depaule, metteur en scène, aura animé un atelier de théâtre à la Prison de la Santé, à l’initiative du SPIP (Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation). Elle nous raconte comment le théâtre, donnant « un espace de liberté », possède des vertus de réinsertions à travers un but commun propre aux détenus, comme la mise en scène de Hamlet de Shakespeare.


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Des Brecht dans les murs

Les taulards ne montent plus uniquement sur les planches pour y dormir, mais également pour y jouer la comédie. Judith Depaule a mis en scène en 2007, à la prison de la Santé, la Résistible ascension d’Arturo Ui de Bertolt Brecht. Il y a une longue tradition théâtrale à la Santé depuis la fin des années 1990. Durant près de six années consécutives, de 2001 à juillet 2007, le théâtre de la Cité Internationale a pris en charge cet atelier à la Santé. « Nous voulions uniquement faire intervenir des artistes : danseurs, compositeurs, acteurs et non de simples animateurs » précise Françoise du- Chaxel. « Les détenus étaient assidus aux ateliers, il y avait une demande assez importante, on a réussi à monter jusqu’à 18 détenus ce qui est de l’ordre de l’exceptionnel ». En effet, pour des raisons de sécurité et de locaux, l’administration pénitentiaire n’autorise que des groupes à effectif réduit de l’ordre d’une quinzaine de personnes tout au plus. Idem pour Nicolas Frize à la maison centrale de Poissy. Dans son atelier de musique contemporaine, il accueille cette année 16 détenus sur un total d’environ 220 prisonniers. Fort du succès de cet atelier à Poissy, ainsi que de ses concerts à verrous fermés, ce dernier a été sollicité pour mener le même type de travail à la prison de Saint- Maur. (Pour en savoir plus, un ex-détenu a crée un blog qui rapporte ses expériences de prison).

Détenus, correct exigé

Nicolas Frize, artiste et délégué national du groupe « Prisons » de la Ligue des Droits de l’Homme, a souhaité aller plus loin. En 2005, il est parvenu à mettre en place, en partenariat avec l’INA (Institut national de l’audiovisuel) une formation pour les détenus, sur les techniques de numérisation du son et de restauration d’image. Là encore, Frize a parié sur le long terme. « On ne veut pas leur faire croire qu’ils peuvent apprendre leur métier en trois mois ». Seule condition requise : avoir un niveau équivalent à la classe de cinquième. On ne peut pas accueillir tout le monde, faute de place. Durant ses deux années d’intervention à la Santé, Judith Depaule a constaté des niveaux très différents « Certains avaient le bac, d’autres non, certains reprenaient leurs études, j’avais même un détenu dans ma première pièce qui était analphabète ». Cependant, il est toujours très difficile de pouvoir réellement se rendre compte de l’état de la culture en prison sur des petits groupes d’ateliers. Judith Depaule poursuit: « quand j’ai monté Hamlet en 2006, aucun des détenus n’avait entendu parler de Shakespeare. Je ne pense pas que le niveau de la culture soit extrêmement élevé. Mais je pense quand même que ce sont des gens qui ont une certaine forme de culture pour s’intéresser à ça ». Preuve qu’aujourd’hui, des éléments de culture classique, parfois même élitistes, peuvent faire leur entrée dans les cellules…grises des détenus franciliens (écouter l'interview de Judith Depaule ci-dessous).

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Hamlet en prison : jeu ou travail ?

Les cours de théâtre en prison requièrent patience, écoute et force d'adaptation

Au cours de 16 représentations, Judith Depaule aura dû faire face aux lourdeurs quotidiennes de l’administration pénitentiaire, ainsi qu’aux difficultés d’adaptation face aux différents niveaux culturels des détenus. Au final, leur volonté d’investissement pour la langue de Shakespeare aura été fructueux. « Être ludique, tout en restant exigeant », la volonté d’apprendre prime, et véhicule « l’idée de tirer vers le haut » en faisant retrouver aux détenus « une forme d’humanité ».


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Des budgets sous écrous

Par rapport à 2007, le budget des prisons en 2008 a été augmenté de près de 4,8% , atteignant les 6, 519 milliards d’euros. Depuis près de deux ans, la plupart des crédits ont été coupés par le ministère de la justice. Et Nicolas Frize, Judith Depaule ou encore Françoise du-Chaxel s’accordent tous à dire, que le financement accordé à la partie culture est en constante diminution. Pour Nicolas Frize, un effort est fait pour « moderniser et multiplier les centres pénitenciers, afin d’incarcérer à tour de bras. Mais la culture est délaissée. On s’approche de plus en plus du système à l’américaine, où c’est la répression qui prime et non la réinsertion par la culture ». Judith Depaule constate avec regret que « la politique concentrationnaire, n’est que le reflet de la politique générale menée par le gouvernement Sarkozy. Dans l’espace public, de moins en moins de place est accordée à la culture, alors pourquoi feraient-ils des efforts pour les détenus ? ». (pour en savoir plus, cliquez ici )

Pour sa part, Françoise du- Chaxel précise, que depuis fin 2006, elle ne parvient plus à contacter l’administration pénitentiaire de la Santé, ni la DRAC d’île de France. « C’est honteux, après tous les travaux que nous avons menés là bas » soupire-t-elle. Pour cette dernière, il n’y a que Fresnes, l’une des plus importantes prisons françaises, qui fasse des efforts en matière de culture. Elle travaille désormais avec eux depuis 2007. "Ils ont beaucoup de représentations sur l’année pour les détenus et c’est toujours très bien organisé". (écouter la performance ci-dessous).

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Shakespeare en refrain


L'entrée de la culture derrière les verrous a laissé des traces indélébiles

Le travail de Judith Depaule aura fortement inspiré les détenus participant à son atelier, puisqu’ils auront crée une chanson, interprétée en guise d’épilogue de la pièce d’Hamlet (un guitariste, un percussionniste, un rappeur et deux chanteurs pour le refrain), jouée devant les détenus de la Prison de la Santé. Le texte évoque la situation d’hommes brisés par le système carcérale, en empruntant des textes du plus célèbre des anglais.


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Le théâtre à la Santé n’est plus, mais la santé du théâtre en prison, tend à se maintenir. Tous ces efforts d’actions culturelles expérimentés dans l’univers carcéral, ne sont pas que des brouillons de culture. Pour Judith Depaule comme pour d’autres intervenants, faire de la culture en prison est essentiel pour la santé mentale des détenus. Seul problème selon le Ministère, la culture coûte cher. Depuis près de deux ans, le constat est flagrant. Pour Françoise du-Chaxel et ses collaborateurs : «on revient à du socio-culturel, c’est à dire simplement à des activités occupationnelles, comme organiser des tournois d’échecs ». Bien impuissants, les détenus le cul entre quatre murs, l’ont désormais aussi entre deux chaises.